mardi 19 février 2008

C'est du cul qu'il veut


"Elle travaille pour un journal de cul. Pas par choix, non, mais ce sont les seuls qui ont bien voulu la prendre. Quelques mois, pour voir. La presse va mal, y a pas grand chose à faire en ce moment, alors va pour le cul, même à l'essai. Enfin au début, affolée, elle a bien failli ne jamais aller au RDV. Seulement, comme tous les journaux l'avaient ignorée, elle s'était dit qu'il vaudrait mieux ne pas faire se farouche.

Pour son premier reportage, on l'a envoyée dans les boutiques de lingerie. Pas dans les boudoirs de luxe ou l'on se tient bien, non, on l'a lâchée dans des trucs sordides ou vont souvent traîner les lecteurs du journal.
Avant même d'y foutre les pieds et d'interroger les vendeuses, elle sait qu'elle n'a aucune affection pour ces pauvres gars. Les hommes qui la séduisent ne sont pas comme ça. Mais c'est son travail et on ne lui demande pas son avis. Comme elle s'y attendait, ce qu'elle griffonne n'est pas.... réjouissant! La chair est triste dans ces boutiques de lingeries, et les vendeuses ne sont pas gaies non plus. Comment voulez vous trouver la vie légère quand les vieux du quartier se collent à votre vitrine, la bouche molle, et les yeux exorbités. Ils ont l'âge d'être leurs grand père et les gamines, ça ne les rassure pas. A choisir, elles préfèrent encore les mômes qui viennent mater de loin sur leur mobylette. Et les timides, qui ne sont pas les pires. Les voir virer au rouge pour demander une guêpière blanche et observer leur regard noyé, pour dire aux filles :" elle est à peu près comme vous", c'est attendrissant. Sinon, elles n'ont aucun respect pour les vrais pervers qui viennent en coup de vent énumérer des tailles notées sur des fiches et détestent les couples du samedi, qui parlent mal aux vendeuses, tout juste bonne à ramasser les strings qui n'excitent plus assez pépère. Une clientèle détestable.
Enfin il y a tous ces accidents évités de justesse. Comme ces mecs qui traversent la rue au péril de leur vie, pour se palucher sur les nouveaux arrivages. Ou ces automobilistes qui perdent la tête pour quelques grammes de tissu, et pilent net sans se soucier des enfants. Certaines n'en dorment plus. Voilà la vérité, quand on pose les questions pertinentes. Mais son patron n'a pas aimé. Il espérait quelque chose de plus "glamour".

En attendant c'est le journal qui se charge de remplir ses journées. Le titre de son prochain reportage est déjà trouvé " le cabinet du Docteur Mabuse". Elle a peur de comprendre ou il veut en venir. En gros (et c'est bien ce qu'elle avait compris) Il veut savoir si les toubibs se tiennent mal quand ils referment la porte de leur cabinet.

Docteur X (gynéco) Lui a dit que tout se jouait à la première visite, si ça se passe bien la patiente reviendra. La plupart du temps il n'y a rien de malsain. Sinon, le docteur X le reconnaît, certaines de ses patientes s'arrangent toujours pour prendre le dernier RDV. Ce sont les mêmes qui viennent en jartelles, mais qui seraient horrifiées s'il répondait à leurs avances. C'est l'idée qui les amuse, pas le passage à l'acte. De toute façon le Docteur X sait garder ses distances.

Le Docteur D (généraliste) Il est émotif et peut être qu'il refoule moins que d'autres. Même si pour le moment il n'a jamais fait la bêtise de s'envoyer en l'air dans son cabinet, il y pense. Et parfois, après le passage d'une jolie fille, il ouvre la fenêtre pour "décompresser" avant la prochaine visite. Toutes ces beautés épilées, parfumées, maquillées à la peau douce qui mettent de la jolie lingerie il trouve ça déstabilisant. Et puis beaucoup ne sont pas pudiques. Elle baisse la tête pour noter qu'il ne parle plus et se lève pour le saluer. Elle aussi à mis du parfum et le docteur D n'est pas rassurant.

Son chef risque d'être encore déçu, pourtant elle a tout fait pour sauver son papier. Une semaine plus tard elle a été convoquée par son patron. Pour cacher qu'elle n'allait pas fort, elle s'était outrageusement maquillée. C'était pas une réussite, mais sa vie était lamentable, alors autant se faire rire en se déguisant en pute. Quand son boss l'a dévisagée, elle à très vite sentie que ce n'était pas de son rouge à lèvres qu'il allait lui parler en premier.

D'abord, il lui dit que son dernier papier est passé à la trappe. L'essai ne sera pas transformé. La vérité c'est qu'il la trouve beaucoup trop coincée pour faire bander les lecteurs. On avait pas de plaisir à la lire, ce qu'elle écrit est, comment dire, trop...Propre. Bref, sa prose manque de cul, de bite, de chatte. De bonne humeur aussi d'ou la question. Car tout se tient, s'est dit le bonhomme, cette fille ne baise pas et, évidemment, parler de cul la rend barge.

En fait elle n'est pas sûre qu'il ait dit tout ça, parce que entre temps elle a fait un malaise. Allongée sur le canapé du bureau du chef, elle se souvient d'avoir vu des gens penchés sur elle lui demandant si un peu de menthe sur un sucre lui ferait plaisir. Elle a du dire oui parce que très vite, elle a senti le goût d'un truc agréable qui fondait dans sa bouche.

Elle se rappelle aussi avoir dit assez fort:
" Hummmm... c'est bon, mais ça manque de cul."
"Vous voulez dire.... ça manque de menthe, c'est ça?" a dit le boss d'une toute petite voix.
"Non ça manque de cul" elle a dit "Enormément!!!"

Elle a ri, avant de s"évanouir à nouveau."


2 commentaires:

Fishturn a dit…

Sensible, sur le fil, et le grincement se mets à prendre des airs lancinants pour nous vautrer dans des vapeurs.

Plume de chat d'aiguille a dit…

Dans des vapeurs aigres douces, à la lueur des envies.